Scolariser un enfant en situation de handicap ou comment voir les valeurs de la république bafouées
Dans ce dossier sur la scolarisation des enfants en situation de handicap, l’Adapei de la Loire a souhaité laisser la parole, dans cette tribune libre, à un parent d’enfant en situation de handicap, pour qu’il puisse témoigner de son vécu. Séverine Bouchet, maman de Louis, a accepté de prendre la parole pour partager son vécu et son regard sur le manque crucial de scolarité des enfants en situation de handicap aujourd’hui en France.
« Mon fils Louis est né en 2011. Après trois ans et demi d’errance médicale, physiquement et psychologiquement éreinté par un quotidien harassant, le diagnostic d’autisme est tombé comme un couperet. Infirmière de profession, j’avais quelques notions concernant la gravité de ce trouble et il a fallu très vite relever la tête pour faire valoir les droits de notre enfant tant en terme de soins que de scolarisation. Liste d’attente, rupture de soins faute de place, absence d’orthophoniste devaient répondre à une prise en charge intensive et précoce… L’obligation de moyens bien connue de l’hôpital n’était absolument pas transposable au monde du handicap.
Après quoi nous avons scolarisé Louis, d’abord dans une école privée qui nous a mis poliment dehors au bout d’un an, puis dans une école publique où aucune adaptation n’était faite. A ce moment-là, nous menions des recours afin que Louis obtienne une AESH individuelle sur 24h indispensable à sa scolarité…
Pour la grande section, l’éducatrice de Louis nous a guidé vers une école prête à accueillir notre fils tout en proposant les aménagements nécessaires à condition d’accepter les 100 kms quotidiens pour le conduire. Louis était enfin considéré comme un élève et non plus comme un fardeau.
Au vu du retard encore trop important, un nouveau projet à défendre à la MDPH avait été construit en équipe, un cumul de temps en IME et une scolarité en ULIS avec une AESH. Refusée dans un premier temps, nous avons encore fait des recours…
In fine, Louis s’est retrouvé en classe ULIS avec l’AESH sur 24h, le combat n’avait été gagné qu’à moitié… Et quatre ans se sont passés tout en relançant l’inspection d’académie à chaque rentrée afin que Louis ait son AESH.
Arrivé en CM1, l’orientation en IME à temps complet devenait nécessaire mais les listes d’attente étaient énormes. J’allais devoir œuvrer pour une orientation que je redoutais dès le départ. Après deux ans d’attente, une place à l’IME de Saint-Etienne lui a été accordée. Le doute m’assaillait, était-ce le bon choix ?
Lors de l’entretien avec la directrice, j’ai appris qu’à 16 ans, l’accès à l’enseignement n’était plus possible et que 6h par semaine était le maximum de temps de scolarité à espérer faute de moyens.
Encore une discrimination révoltante. Je ne peux l’accepter après tous les progrès que Louis a fait avec notamment l’accès à la lecture et à l’écriture, des apprentissages lents mais indispensables pour l’autonomie.
Le droit à la scolarisation de qualité est pourtant un droit fondamental, bafoué à mon sens avec 6 heures par semaine. De surcroît, s’appuyer sur l’école obligatoire jusqu’à 16 ans pour interdire son accès par la suite est inimaginable ! Encore un choix politique qui vient corroborer mon opinion : les personnes en situations de handicap sont-elles réellement prises en compte dans le triptyque républicain « liberté, égalité, fraternité », cher à mon cœur ? Il me semble actuellement complétement piétiné par les décideurs dans le monde du handicap.
Tant de choses sont à améliorer mais ça implique de cesser la politique au goût du jour de saupoudrage de moyens. On nous demande à juste titre d’inclure le plus possible en école ordinaire, seulement ce doit être avec des accompagnements et des professionnels formés. En IME, l’accès à l’enseignement doit être nettement supérieur pour prétendre à une véritable scolarité adaptée.
Par ailleurs, la MDPH devrait davantage faire confiance aux professionnels, nous avons eu des refus concernant des décisions consensuelles provoquant une perte de chance… En huit ans, nous avons mené sept recours (où la bienveillance n’est pas de mise) tout en ayant gain de cause.
Développer des passerelles fonctionnelles entre ULIS et IME apporterait de la souplesse. Inclure dans les programmes de vrais projets entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé permettrait d’améliorer la connaissance du handicap dans la société.
Pour finir mon propos et d’après mes expériences, sans une volonté de fer de la part des parents, les enfants en situation de handicap sont rarement scolarisés de manière efficiente et c’est très regrettable dans le pays des droits de l’homme. »
Séverine Bouchet
Pour consulter le dossier, « L’école pour tous : Quelle scolarisation pour les enfants en situation de handicap ? », cliquez ici
Pour lire le reportage « L’IME de Saint-Etienne renforce l’inclusion en milieu scolaire ordinaire », cliquez ici